La fille qui brûle, Claire Messud

Julia et Cassie se connaissent depuis la maternelle et partagent jeux et confidences. L’été précédant leur entrée en cinquième, elles commencent par faire du bénévolat à la SPA mais Cassie se fait mordre et le stage s’achève. De leur ennui naît alors un désir d’exploration : elles font d’un ancien asile abandonné leur terrain de jeux. Là-bas, elles laissent libre cours à leur imagination et s’inventent des vies. Cependant, les vacances s’achèvent et les deux adolescentes ne sont plus dans la même classe. Peu à peu, les deux amies s’éloignent et se font de nouveaux amis. Julia, qui a toujours été studieuse, se prépare pour le concours d’éloquence. Cassie quant à elle se débat dans une ambiance familiale étouffante et se perd dans de mauvaises fréquentations. Impuissante, Julia observe la chute d’une amie qu’elle ne reconnaît plus. Pourtant, lorsque Cassie disparaît, elle tente de la retrouver.

La fille qui brûle, c’est un roman sur l’amitié. Celle qui se noue très tôt, qu’on croit éternelle mais qui peu à peu se délite. Celle qui est imparfaite, constituée de non-dits destructeurs. La fille qui brûle, c’est aussi le roman de l’adolescence – période de changement/développement physique et mental qui ne se fait pas sans heurts. Il traite également le sujet de la famille (monoparentale ou non), de l’insouciance et de la féminité. Julia et Cassie évoluent au XIXème siècle. En grandissant, elles découvrent ce que signifie être une femme. D’ailleurs, Julia, malgré son jeune âge, fait preuve d’une grande lucidité quant à la question d’être une femme même si elle fait des généralités.

« Parfois, je me disais que grandir en étant une fille, c’était apprendre à avoir peur. Pas exactement à être parano, mais à toujours rester sur ses gardes et lucide, comme quand on vérifie l’emplacement de la sortie de secours au cinéma ou à l’hôtel. Vous découvriez, avec une acuité inconnue dans l’enfance, la vulnérabilité du corps que vous habitiez, ses fortifications imparfaites. A la télévision, dans les journaux, les livres et les films, jamais ce ne sont des hommes qui se font violés, kidnapper, lapider, démembrer ou brûler à l’acide. Mais dans les romans, dans les séries et les films policiers aussi bien que dans la vraie vie, ça arrive tout le temps, tout autour de vous. Donc vous apprenez en votre for intérieur que votre corps a besoin d’être protégé. Il est à la fois précieux et totalement négligeable, tout dépend de qui vous rencontrez. Vous n’avez pas envie d’aller à une fête sans savoir comment rentrer chez vous. Vous n’avez pas envie de vous retrouver à marcher dans la rue – surtout une rue déserte – la nuit sans être accompagnée. Et encore moins d’ouvrir votre porte à un inconnu si vous êtes seule, jamais de la vie, même s’il porte un uniforme. Parce que cet uniforme pourrait être un déguisement. Ca arrive. Je l’ai vu à la télé.
Vous grandissez, et à cause de toutes les histoires qu’on vous raconte vous apprenez comment est le monde, et vous commencez à perdre vos libertés. Même si personne ne vous dit de vive voix que vous les avez perdues, vous savez qu’il faut faire attention. […] »

Le tout nous est conté par Julia. Julia, celle qui est perspicace et sage, celle qui réussit. Julia, fille unique d’un dentiste et d’une journaliste, qui a un foyer stable et des parents à l’écoute. Elle s’épanouit dans un cocon rassurant. A l’inverse, Cassie vit seule avec sa mère, Bev, infirmière en soins palliatifs. Elle ne connaît pas son père, mort lorsqu’elle était bébé. L’équilibre familial, déjà précaire, est mis à mal lorsque Bev tombe sous le charme d’un médecin. Nos deux amies sont liées malgré leurs différences et, a mon sens, il est dommage de ne pas connaître le point de vue de Cassie. Evidemment, on le devine bien plus explosif, plus emporté. Malgré sa réserve, Cassie aurait beaucoup à dire.

La fille qui brûle est un récit très bien écrit, mais sans aucun doute trop sage et qui laisse un goût d’inachevé car il ne répond pas à toutes les questions qu’il soulève. Cependant, cela a le mérite de faire la part belle à notre imagination !

La fille qui brûle, Claire Messud
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par France Camus-Pichon
Gallimard, Du monde entier, 19 avril 2018
256 pages
20,00€

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